mercredi 28 novembre 2007

Once upon a time...

Pour les soixante ans du Lombard, le grand chef avait mis ses auteurs à contribution. Produire un texte ou une illustration ayant pour thème le célèbre sexagénaire de l'édition. Pas de private joke, rien d'hermétique et le tout devant tenir dans un cadre 20/20... Un inédit compilé avec d'autres inédits dans un recueil hors-commerce, distribué aux partenaires pour la circonstance. En mettant de l'ordre dans mon PC, j'ai exhumé ma participation dans sa version originale. Je vous la livre ci-dessous. Bonne lecture !

Le Lombard venait d’avoir 60 ans. Dans le milieu, son activité lui avait valu d’innombrables surnoms : Collision Frontale, Soupe de Molaires, Tartes au Béton, Tripes et Rognons, Deux Châtaignes à la Seconde… et de nombreux autres encore. Mais de tous, personnellement, secrètement, c’était Le Lombard qu’il préférait.

Si personne ne connaissait l’origine de ce surnom, il s’était pourtant imposé presque naturellement au fil du temps. Le mystère s’entretenait de lui-même et tout le monde l’appelait Le Lombard. Peut-être était-il originaire de cette région du Sud où certains lui prêtaient une lignée d’ancêtres prestigieux ? Peut-être était-ce dû à ce coup fumant dans une petite ville du coin. Une opération réussie de main de maître. Au péril de sa vie. Il y a longtemps. Une opération qui lui avait ouvert les portes et assis sa réputation. Définitivement.
« Le Lombard ? Une marque de fabrique, messieurs ! Une signature inimitable ! Dans le milieu, tout le monde se l’arrache. Du clef sur porte ! Net, sans bavure, ni chichi ! » aimait rappeler un célèbre chef des services secrets.

Chaque fois qu’on le prononçait, ce surnom-là se savourait comme un millésime moelleux … Sans modération. Rond en bouche et percutant au final. Ce surnom-là vous sonnait aux oreilles comme du Wagner entonné par Saint-Pierre en personne… Ca vous avait un goût d’épices, poivrées et revigorantes. Fortes et douces à la fois… Ce surnom-là sentait la poudre et l’encens tout en même temps…
« Tiens, en parlant de poudre et d’encens… » songea Le Lombard, glissant un à un ses deux chargeurs garnis dans leur crosse respective. Ah ! Ses lourds automatiques. Fiables en diable.

Ce surnom ajoutait aussi une petite touche d’exotisme indispensable. Le Lombard imaginait bien le directeur tempêter : « Sur ce coup-là, je veux Le Lombard. Personne d’autre ! » Rien qu’en aboyant cet ordre, le directeur offrait à ses subalternes sceptiques un peu de ce soleil qui vous rôtit la peau, une poignée de cette terre qui transpire l’orage quand il approche, quelques notes de cet accent méridional ou les fragrances du parfum de ces filles qui chantent en faisant l’amour. L’exotisme, c’est important pour les filles. Evidemment. C’est mieux qu’une cicatrice aux origines improbables, qu’une marque de naissance déclamée en blessure de guerre. L’exotisme, ça fait rêver les filles. En 16/9. En mieux…

« D’ailleurs, assez rêvé » grogna Le Lombard en s’approchant de la fenêtre de cette sordide chambre d’hôtel. Abrité contre le mur, il écarta discrètement deux lamelles du store fatigué. Une vue parfaite. D’un seul regard, toute la rue en enfilade. En bas, trois voitures. Dans chaque voiture, quatre hommes. Armés jusqu’aux dents. « Une douzaine à peine ! Ils n’ont aucune chance. » sourit intérieurement Le Lombard. La perfection a toujours déchaîné les passions, suscité la jalousie. Lasse de tant de suprématie, la Concurrence avait mis sa tête à prix. De mémoire, il avait semblé au Lombard qu’On bradait, qu’On lui soldait la peau.

Mais bon, ils sont au moins douze en bas salivant déjà leur part du gâteau. Ils montent l’escalier. Sans discrétion. Sûrs de leur fait. Des amateurs. La poignée de la porte bouge à présent. Sans précaution. Ils misent sur l’âge de l’animal qu’ils croient terré, affolé... L’hallali résonne derrière la porte. Le Lombard répond en vidant ses chargeurs à travers l’huis. A bout portant. Dans la masse de précipités qui se ruent. La poudre a parlé. Le Lombard s’est envolé… Ce qu’ils ignorent, les bougres ! C’est que 60 ans, c’est un bon début !
( HERZET )

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